Opinion: Position du “CEDEC”: Evidence et logique d’une Nouvelle Constitution Haïtienne !!!
Position du Centre de Développement Communautaire "CEDEC".
Position du “CEDEC” : Evidence et logique d’une Nouvelle Constitution Haïtienne !!!
Du 29 mars 1987 au 29 mars 2023, trente-six ans se sont bel et bien écoulés depuis que le peuple haïtien s’affola massivement aux urnes pour ratifier la Constitution de 1987. Au lendemain du 7 février 1986, date qui a consacré la chute du régime des Duvalier, une controverse se manifestait entre les Haïtiens. Pour certains, il y avait une urgente nécessité de doter Haïti d’une constitution qui lui permettrait de se libérer de la tradition dictatoriale et d’entrer dans le concert des nations démocratiques ; pour d’autres, il fallait éviter de réveiller les rancœurs séculaires, légèrement couverts par des croutes mal cicatrisées ; ce réveil était si évident qu’on questionnait et corrigeait les changements portés aux couleurs et positions du drapeau national.
Après trente-six ans révolus, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Aujourd’hui, il n’est pas de bon augure de donner raison ou tort à personne : le temps est plutôt à la concorde et non à la discorde. «Il ne faut pas», comme dit le vieil adage, «réveiller le sophiste dans son sommeil dogmatique». Mais ce qui est évident et même certain, c’est que tout Haïtien rationnel voit et admet la nécessité de changer, même en partie, la Constitution de 1987 qui semble être à l’origine de ses plus récents malheurs. En majorité, le peuple est prêt à ratifier toute constitution qui lui paraît unificatrice et salvatrice en lui permettant de transcender ses divergences et de concrétiser ses nouvelles aspirations. Là-dessus, il n’y a pas de doute, voire de débat. L’évidence est claire et nette. Faut-il de nouveau réviser la Constitution de 1987, la réformer ou la réécrire ? C’est peut-être là qu’il faut débattre et départir les positions, une tâche qui doit être confiée aux techniciens de droit, principalement aux constitutionnalistes.
Entre février 1986 et mars 1987, l’idée d’amender la Constitution de 1983 ne constituait un objet de débat, d’autant que cette constitution ne prévoyait pas un mécanisme de modification. Quant à celle du 29 mars 1987, elle fixe l’amendement comme procédure de révision tout en entravant l’implémentation. Prévue au Titre XIII et développée aux articles 282 à 284-4, la procédure est si compliquée que la Constitutionnaliste Mirlande Manigat(2004 :70) eût écrit: «La révision est enserrée dans un véritable corset qui ne permet pas de modifier la Constitution dans un délai raisonnable et pour satisfaire des nécessités conjoncturelles».
Après une tentative avortée et annulée en 2003 par la 47ème Législature, le pari sembla gagner en 2011 quand la 48ème donna un premier amendement à la Constitution de 1987. Mais grandes furent la surprise et la déception quand on s’est rendu compte que la version votée a été tripatouillée. En effet, une grande différence a été constatée entre la première et celle publiée par le Président sortant. Dénoncée par des parlementaires, la publication a été annulée par le nouveau Président.
Pour sauver la face ou laver le linge sale en famille, certains supporteurs de l’amendement – en particulier le groupe dénommé «Initiative Citoyenne de la Société Civile»- disaient avoir restitué le texte original à partir de la transcription des bandes sonores enregistrées durant les débats. C’est cette restitution, publiée après de nombreuses tergiversations, qu’on appelle la «Constitution de 1987 Amendée ».
Depuis plus de douze ans (2011-2023), Haïti est régi par une «Constitution Amendée-Rafistolée». Ce rafistolage crée la méfiance de l’Haïtien d’aujourd’hui qui soutient l’idée de doter le pays d’une Nouvelle Constitution. Au cours de la 50ème Législature, la Chambre des Députés a institué une Commission Spéciale d’Amendement qui a argumenté la nécessité de réviser à nouveau la Constitution de 1987.
La nouvelle déception c’est de constater l’insouciance des parlementaires qui n’ont pas pris l’initiative de faire aboutir le projet proposé à un amendement plus sérieux que celui de 2011. Qui pis est, le pays devenait de moins en moins gouvernable et les trois pouvoirs de l’Etat (LÉGISLATIF- JUDICIAIRE-EXÉCUTIF) menaçaient de caducité, tandis qu’on n’entrevoyait aucune base légale de rétablir l’ordre dans le chaos prévisible.
Face au gouffre institutionnel qui menaçait le pays, le Pouvoir Exécutif – qui se croyait être le plus viable- décréta le 28 octobre 2020 la création du Comité Consultatif Indépendant (CCI), chargé d’élaborer un « Projet de Nouvelle Constitution ». A ce qu’il paraît, le CCI s’est acquitté de sa tâche. En effet, plusieurs ébauches d’Avant-Projet ont été publiées et ont fait l’objet de débats. Après la mort du Président Jovenel MOISE, survenue le 7 juillet 2021, un « Projet Final de Constitution » a été remis au Premier Ministre Ariel HENRY. Qu’est-ce qu’il y a dans le Projet remis ? Quel est son contenu ? Qu’est-ce que le peuple haïtien y attendait ? Qu’est-ce qui en manque ? Voilà autant de questions qu’il nous convient de poser. D’ailleurs, nous ne pouvons pas nous éterniser à réinventer la roue.
En 1986, le Conseil National de Gouvernement (CNG) a créé une commission d’experts qui ont élaboré le projet de constitution remis à l’Assemblée Constituante. Un membre de cette Assemblée a récemment déclaré à la presse que le projet soumis a été mis de côté et que le texte ratifié le 29 mars 1987 fut le résultat de l’invention de ses pairs.
Malheureusement ce constituant devrait avoir le courage de présenter ses excuses à toute la nation haïtienne pour avoir rejeté d’un revers de main les travaux de réflexion effectués par des sommités de la République. Il est avéré que la Constitution de 1987 se révèle source de discorde entre les filles et les fils d’une même nation, alors qu’elle devrait être un trait d’union.
En octobre 2020, il y eu création du CCI qui – après argumentation, rédaction, débat et correction- a officiellement remis un «Projet Final de Nouvelle Constitution ». N’est-il pas logique de continuer le processus par la formation d’une Nouvelle Assemblée Constituante, mais cette fois-ci avec des sages triés dans la partie saine de la société haïtienne. Par voie référendaire, le peuple pourra dire le dernier mot.
Vu les infortunes et les violations diverses qui déshonorent et ternissent la Constitution de 1987, urge à la nation haïtienne d’avoir une charte plus honorable, plus inclusive, plus adaptée à ses mœurs et coutumes. Ce qui lui permettra de construire un Etat de droit plus conforme à ses aspirations.
Port Au Prince le 8/8/2023
Joseph Domingue Orgella
Président du Conseil d’administration du CEDEC.
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